25 février 2006

PARTICULARITES DU FRANCAIS D'AFRIQUE DE L'OUEST

(Guide de survie à l'usage du touriste) Les français parlé en Afrique de l'ouest présente des particularités stylistiques, lexicales et syntaxiques qui le distinguent du français standard. Généralement savoureuses, comme la plupart des particularités des français régionaux, elles peuvent donner lieux à des quiproquos, mécompréhensions ou contresens. Ceci est le premier article d'une série dont le modeste but est de vous divertir un peu tout en vous aidant, lors d'une éventuelle visite à Ouagadougou, à mieux saisir certaines expressions locales, à éviter l'un ou l'autre malentendu et à vous faire aisément passer pour un vieux résident et non un touriste fraîchement débarqué. Bureaux et maquis Petite introduction destinée à permettre la compréhension de l'anecdote aussi authentique que savoureuse qui suit... "Maquis" en Afrique francophone de l'Ouest ne désigne pas la végétation typique des collines corses, ni un groupe de résistants armés, c'est tout simplement un petit bistrot (éventuellement restaurant) du secteur informel : quelques tables et chaises, un toit de paille tressée ou de tôle pour abriter du soleil et de la bière bien fraîche. Il existe d'autres catégories de débits de boissons, comme les "kiosques" et les "frelatés", mais nous y reviendrons dans une livraison ultérieure. Quant au mot "bureau", il désigne en français standard tant votre table de travail que le local dans lequel vous exercez votre profession. Jusque là, pas de problèmes ces deux acceptions sont commune au français standard et à celui pratiqué par des locuteurs ouest africains. Des expressions comme "pose ce dossier sur mon bureau" ou "je dois être au bureau à quatorze heures" seront parfaitement comprises et n'engendreront aucune confusion. Là où ça se complique c'est lorsque le mot "bureau" est précédé d'un adjectif numéral ordinal. Si il s'agit d'une indication topologique (par exemple : "Monsieur Duschmoll? C'est le troisième bureau à votre gauche"), le risque de confusion reste faible. Où est donc le problème, me direz-vous, on ne voit vraiment pas de raison autre que topologique de faire précéder le mot "bureau" d'un tel adjectif. Et pourtant, si, il y a un cas : l'armée française avait l'habitude, du moins avant la deuxième guerre mondiale, de désigner ses différents services d'état major (plans, opérations, logistique,...) par les termes "premier bureau, deuxième bureau, troisième bureau" etc. On désignait d'ailleurs l'état-major dans son ensemble par le vocable "les bureaux" et le terme "deuxième bureau" pour désigner le service de renseignement militaire français est bien connu des amateurs de livres d'espionnage. Mais en Afrique de l'ouest et, d'ailleurs, de manière plus générale, dans toute l'Afrique francophone, le "deuxième bureau", c'est la maîtresse (l'épouse légitime étant le premier bureau). On parle d'ailleurs couramment, lorsque l'on a plusieurs maîtresses (ce qui est fréquent) de "deuxième,troisème..., nième bureau". Donc si à Ouaga, quelqu'un vous dit qu'il a vu Untel au maquis avec son deuxième bureau, ne comprenez pas qu'Untel inspecte son groupe de résistance avec son officier de renseignement mais, plus prosaïquement, qu'il est au bistrot avec sa maîtresse. Ces explications données, voici l'anecdote parfaitement authentique promise. Lors du premier séjour exploratoire de Frédéric, notre ex-associé, en juin 2005, alors queles deux chauffeurs de scooter étaient partis faire quelques courses pour nous, Fred et Dominique, s'installent pour les attendre dans leur maquis habituel, Noagbin, plus commodément surnommé par nos deux Belges "Chez/Bij Omar", du nom du gérant. Sympathisant avec un table d'autochtones voisine de la leur, Dominique et Fred lient conversation. Et c'est là que Fred déclenche l'hilarité générale. En effet, voulant signifier que Noagbin est déjà devenu son repaire, son quartier général, bref, son "stam cafeï", Fred ne trouve pas de plus heureuse manière pour exprimer son sentiment que de déclarer : "Omar, c'est mon deuxième bureau". D'où l'hilarité générale et une certaine confusion du gérant qui était précisément occupé à nous servir.

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